ANDREI KIVILEV

Né le 21 septembre 1973 .
à Taldy-Korgan (Kazakhstan)
Marié . 1 enfant Léonard
Site internet
Décédé le 12 mars 2003 à St Chamond lors du Paris-Nice

Son palmarès à l'ECSEL
Arrivée au club : mai 1997
Entrée dans l'équipe professionnelle Festina : 1998

1° L'Ardéchoise
1° La Savoyarde
1° de la 1° étape du Tour du Béarn
1° des points chauds Tour du Béarn
1° GP de la Montagne Tour du Béarn
1° Poly Sénonaise
1° Monts Vauclusiens
1° de la 3° étape des Monts Vauclusiens (avec l'ascension du Ventoux)
1° GP de la Montagne des Monts Vauclusiens
Prix de la Combativité des Monts Vauclusiens

2° Route Creusoise
2° Tour du Béarn
2° GP de Charvieu
2° Contrexéville
2° de la 1° étape des Monts Vauclusiens
2° de la 3° étape de Montpellier-Barcelone
3° GP de St Symphorien sur Coise

4° Trophée de la Creuse
4° GP de Sail sous Couzan
5° de la 2° étape de Montpellier-Barcelone
6° de la 4° étape Tour du Nivernais-Morvan
6° de la 3° étape Tour du Béarn Aragon
9° Tour du Nivernais-Morvan
9° GP de Grand Corrent
9° GP de Bains les Bains
9° de la 4° étape Tour du Béarn Aragon
10° Tour du Béarn Aragon

11° Paris-Chauny
12° Felletinoise-Sud Creuse

Palmarès chez les pro

Festina (1998/99)
AG2R Prévoyance (2000)
Cofidis (2001/2003)

1° d'une étape du Dauphiné Libéré 2001
1° Route du Sud 2001

2° Tour du Haut Var 2000
3° Tour du Haut Var 2003
3° Route du Sud 2002

4° Tour de France 2001
4° Paris-Nice 2002
4° Clasica San Sebastian 2002
5° Dauphiné Libéré 2001 et 2002
5° GP Zurich 1999

7° Critérium International 1999
8° Midi Libre 2002
8° Clasica San Sabastian 2000
8° GP Zurich 2000
9° Dauphiné Libéré 2000

14° Liège-Bastogne-Liège 2002
16° Milan-San Remo 1999
21° Tour de France 2002

 

 

 

Échappée n°5 . Été 1997

Rencontre avec Alexandre Vinokourov et Andrei Kivilev

     En ouvrant son courrier un jour de l'automne dernier, Gilles Mas à l'époque directeur sportif de l'équipe Agrigel-La Creuse, fut attiré par une lettre en provenance du Kazakhstan. Il n'en fallait pas mieux pour attiser sa curiosité. Elle provenait de l'entraîneur national qui cherchait à faire intégrer en équipe professionnelle 6 de ses meilleurs coureurs. Gilles Mas, qui connaît la rigueur et le talent de ces coureurs venus de l'Est, sait à quel point ils peuvent être un atout dans une équipe. Seule ombre au tableau aucun d'eux ne parle le français. Dans une équipe professionnelle française, c'est un sérieux handicap, et des problèmes d'intégration risquent d'apparaître rapidement gênants pour la progression de la formation. Gilles Mas entre temps devenu Directeur Sportif adjoint au côté de Vincent Lavenu de l'équipe "Casino", contacta Pierre Rivory pour lui proposer d'accueillir un ou deux Kazakhs durant cette saison pour leur permettre de s'adapter en douceur à la France, tout en apportant leurs compétences à la formation Saint Etienne Loire. Le rôle de pépinière de l'équipe Casino prenait une nouvelle tournure et l'expérience était par ailleurs intéressante à tenter. Une concertation s'engagea et sur les conseils de son Directeur Sportif, l'ECSEL accepta de se lancer dans l'aventure. Pierre Rivory dont le flair n'est plus à démontrer, arrêta son choix sur 2 coureurs en particulier : Mizourov et Vinokourov. Le premier ne voulant pas abandonner sa fiancée déclina l'offre. Alexandre Vinokourov, voyant là une opportunité extraordinaire décida de sauter le pas et posa le pied sur le sol stéphanois aux premières heures du printemps.
     Depuis le 22 mars, jour de son arrivée à St Etienne, Alexandre Vinokourov fait souffler dans les pelotons Élite un petit vent d'Est, métamorphosant d'un seul coup les ambitions du club. Dès ses premières courses, il décèle chez lui un petit quelque chose de différent qui devrait faire de lui un grand, peut être un très grand : 2° de la 4° étape du Tour d'Auvergne le 6 avril, meilleur grimpeur de Redon-Redon (Coupe de France Mavic) le 13 avril, meilleur grimpeur, 10° du classement final et vainqueur de 3 étapes du Tour de Saône et Loire fin avril, ... Il enchaîne les performances et finit par décrocher le pompon en enlevant le très relevé Essor Breton. Pourtant à son arrivée, Alex n'était pas au sommet de sa forme. Malade au retour du Tour de Malaisie qu'il courut sous les couleurs de l'équipe du Kazakhstan, il dut repousser son départ pour la France le temps de se soigner. Sa force de caractère, sa rigueur dans les entraînements et sa discipline de vie naturelle chez lui, lui permirent de retrouver rapidement son potentiel physique et ranger aux oubliettes ses petites misères de début de saison. "Alex est un coureur tout terrain qui possède une rapidité étonnante, s'exclame Pierre Rivory. Il a une soif de gagner impressionnante, qui le fait s'envoler à l'approche de la ligne. Je suis persuadé qu'il remportera un jour une étape du Tour. Vous verrez on en reparlera dans quelques années. Il est habile, malin et sait saisir les opportunités quand elles se présentent."
      Bon en contre la montre, rapide au sprint, il passe également bien les bosses. Tout à fait le profil du vainqueur de classiques. "Je pense qu'il est de taille à s'adjuger un Milan - San Remo ou une Flèche Wallonne. Si je devais le comparer à un grand du peloton, je dirai qu'il a l'étoffe d'un Jalabert. Il faut le voir sur un vélo! rajoute enthousiaste le directeur sportif de l'ECSEL, c'est impressionnant. D'ailleurs tout le monde est estomaqué en le voyant en course."
     Originaire de Pétropavlosk, ville importante de 300 000 habitants située dans le Nord du Kazakhstan, Alexandre débute le vélo vers 13 ans. Dans ce pays jeune, à présent ex-République de l'Union Soviétique, la vie n'est pas facile. Les parents Vinokourov sont employés dans un élevage de poulets. Le travail est dur pour un salaire de misère. "Certains mois, en raison des graves difficultés économiques que connaît notre pays, ils ne sont pas payés, explique Alexandre, et nous devons attendre des jours meilleurs." Malgré cela, ils permettent à leur fils de poursuivre pendant 5 ans des études dans un institut du sport. C'est dans cet établissement qu'il va acquérir l'essentiel de sa formation cycliste. Arrivé en junior, il intègre l'équipe nationale Russe, avant d'effectuer son service militaire qui dure 2 ans. Au fil des ans, Alexandre se forge une force de caractère et une rage de vaincre qui fait de lui aujourd'hui un coureur d'exception. Membre ensuite de l'équipe nationale du Kazakhstan, son parcours se jalonne peu à peu de belles performances. Il termine en 1993, 3° du Regio-Tour, remporte 2 étapes en 95 du Tour d'Équateur, gagne en 1996 le Tour de Slovénie après s'être illustré en Afrique du Sud au Giro del Capo. "Depuis que je suis en France, j'ai disputé de nombreuses courses avec souvent des places d'honneur à la clé, mais pour le moment je suis assez fier de ma réussite dans l'Essor Breton." Ce fut aussi l'occasion pour Alex de découvrir un coin de cette France pleine de charme, où la qualité de vie semble aux antipodes de celle qu'il a connue jusqu'alors.
      C'est à croire qu'Alex puise ses ressources physiques et mentales dans le passé historique et économique de son pays. Entre la mer Caspienne et la Chine, le Kazakhstan, cinq fois la superficie de la France, vécut sous l'emprise du Kremlin à des milliers de kilomètres de Moscou. Ce peuple (composé de 30% de russes et 70% de mongols), soumis et donc par la force des choses discipliné, oeuvra au développement de la grande Union Soviétique, ignorant à l'époque (mis à part quelques privilégiés qui portaient sur la scène mondiale les couleurs de l'URSS), qu'ailleurs, au delà de leur ghetto se trouvait un monde où toutes les ambitions étaient permises. A la chute du Mur de Berlin en 1989, les échanges avec l'Occident facilités, bien des jeunes sportifs saisirent l'opportunité de partir faire leur carrière ailleurs. Ce fut le cas aussi en matière de cyclisme, il suffit pour cela de regarder la composition des équipes professionnelles actuelles pour constater que le pourcentage de coureurs venus de l'Est ne cesse d'augmenter d'année en année, leurs résultats aussi par la même occasion. Tous font preuve d'une envie de réussite incroyable. Alex est de ceux là, le cocooning à l'européenne, il ne connaît pas. Dès ses débuts dans le cyclisme ses entraîneurs lui inculquèrent qu'un sportif doit faire table rase de ses petits bobos quotidiens, que seul l'objectif fixé importe, l'École Russe ne permet pas de faux pas ou de négligence, tout doit (du moins en apparence) être parfait. Voici les bases de sa réussite. "Alex je peux lui demander n'importe quoi en course, insiste Pierre Rivory, il m'écoute et il attaque lorsque je lui commande. Je n'avait jamais rencontré une telle discipline et une telle exigence jusqu'à présent chez de jeunes coureurs, c'est à l'école Russe."
      En fin de saison Alexandre Vinokourov passera sans doute professionnel, il y travaille d'arrache-pied et pas seulement sur le vélo. Après ses entraînements qu'il préfère solitaires, dans la campagne stéphanoise (qu'il explore sans carte), ou le soir à l'étape, il se plonge dans ses bouquins de français. Une ou deux fois par semaine, suivant son emploi du temps un professeur lui enseigne les rudiments de notre langue. Il tient à progresser rapidement, même si ses coéquipiers font l'effort de converser avec lui en anglais. "Il est important qu'il parle le français, confie Pierre Rivory, s'il veut intégrer une équipe française. Mais il en veut, je ne me fais pas de souci pour lui, c'est un battant avec un mental très fort."
Alexandre n'a pas pour autant coupé les ponts avec son pays. Il reçoit assez souvent des nouvelles de sa famille. " De préférence nous nous téléphonons, ça va plus vite que le courrier, parce que vous savez là bas c'est pas rapide." Sélectionné pour participer au championnat du monde militaire en Italie avec le maillot de son pays mi-juin, il s'envolera ensuite rendre visite à sa famille. "Quelques jours seulement pour ne pas perturber le programme établi, précise Pierre Rivory." Cet été le jeune Kazakh devrait recevoir aussi la visite de sa petite amie. Voilà de quoi  garder le moral surtout depuis l'arrivée d'Andrei Kivilev.

     Copain d'Alex, il avait rejoint une équipe cycliste de Burgos en Espagne. Si Alexandre réussit parfaitement son entrée stéphanoise, Andrei quant à lui s'aperçut vite qu'il ne progresserait pas dans cette structure. Les deux Kazakhs qui entretenaient des relations téléphoniques assidues mettaient constamment en parallèle leurs deux clubs d'adoption. L'ECSEL s'avérait être beaucoup plus professionnelle, avec un encadrement sérieux et un suivi des athlètes plus rigoureux. C'est alors que germa dans la tête d'Alex l'idée de faire venir son copain. Ils pourraient habiter le même appartement, suivre le même cours de français et ... acheter ensemble une machine à laver. Voilà ce serait génial! Il fallait à présent convaincre les dirigeants du club qui voyant une occasion supplémentaire de renforcer leur équipe élite, acceptèrent la venue d'Andrei qui débarqua à St Etienne le 8 mai.
Cette nouvelle recrue est aussi une bien jolie pointure, puisqu'il se classa 28° des Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996. "C'était impressionnant, nous dit Andrei, de se retrouver avec des grands pros. C'était la première fois que nous nous mesurions à eux." Quant à Alex, bien qu'ami de l'Ouzbek Djamolidin Abdoujaparov, il côtoyait lui aussi pour la première fois de sa carrière les meilleurs du cyclisme mondial.
     Andrei Kivilev, lui, est né dans la capitale Alma Ata. Fils d'un policier et d'une institutrice, il suivit à peu près le même cursus qu'Alexandre. Tous deux possèdent la même rigueur issue d'une éducation stricte à la soviétique. C'est dans le petit appartement qu'ils partagent rue Offenbach à Montreynaud qu'ils préparent dans un sérieux absolu leurs courses, tout en rêvant aux exploits de leurs aînés. Andrei confie volontiers qu'il aimerait bien remporter ... un Championnat du Monde, quant à Alexandre s'il a l'étoffe comme le dit son directeur sportif du moment d'un vainqueur d'étape du Tour de France, alors pourquoi ne pas viser le classement final!
     Bien dans leur peau et bien dans leur tête, ils apprécient la gentillesse et la disponibilité des français dans leur vie quotidienne. "Lorsque je vais faire les courses, raconte Andrei dans un anglais très correct, je suis surpris de voir comme les gens m'accueillent, alors je leur dis en français Merci, merci beaucoup et ils sont contents." Les stéphanois sont très chaleureux, leur réputation n'est plus à faire, elle ne fait que se confirmer une nouvelle fois.

Marie-Line GONON